Le 22 septembre 1998, lors d’une sixième tentative d’expulsion, Semira Adamu a été tuée, étouffée à l’aide d’un coussin par des gendarmes qui agissaient conformément aux techniques d’expulsion définies par l’État.
Demandeuse d’asile déboutée, Semira avait vingt ans. Depuis le centre 127 bis où elle était enfermée, Semira jouait le rôle de lanceuse d’alerte pour le Collectif contre les expulsions : elle témoignait du fonctionnement de ces prisons et informait des dates d’expulsions de ses codétenu.e.s.
Semira incarnait, à sa manière, la lutte des femmes pour leur dignité et la résistance aux politiques d’asile et de migration inhumaines. L’État s’est appliqué à la faire taire.
Pour celles et ceux qui s’en souviennent, l’indignation était générale. « Plus jamais ça », nous étions-nous toutes et tous promis.
Pourtant, vingt ans après, la Belgique persiste et s’empêtre dans une politique cynique et mortifère à l’égard des personnes en migration. Elle expulse vers des pays en guerre et collabore avec des États dictatoriaux. Elle précarise et inquiète les personnes sans papiers qu’elle arrête jusque dans des associations qui les soutiennent. De nouveaux centres fermés sont en cours d’aménagement, le gouvernement prévoit d’y réincarcérer des familles à partir de l’été 2018. La politique d’asile, elle, ne tient toujours pas compte de la situation spécifique des femmes migrantes. La politique migratoire européenne privatise ou sous-traite le contrôle de ses frontières extérieures à des pays limitrophes qui rendent encore plus aléatoire l’accès au territoire et à la protection pour ceux et celles qui en ont besoin.
Cependant, la contestation de ces politiques inhumaines ne faiblit pas. Les premier.e.s concerné.e.s, bien sûr, les sans-papiers les refusent et luttent en collectifs pour leur régularisation. Des milliers de personnes s’y opposent aussi en manifestant, en soutenant les personnes sans-papiers et les mouvements d’occupation, en hébergeant des migrant.e.s, en défendant des personnes menacées d’expulsion dans leur entourage proche ou lointain, en revendiquant tout simplement le droit à la solidarité… Nous aussi.
Réunis au sein de la Coordination Semira Adamu 2018, nous voulons à la fois pour rendre hommage à Semira Adamu et à son combat, rappeler le « plus jamais ça » de 1998 et dénoncer l’alignement de la Belgique sur une politique migratoire européenne qui a fait, en vingt ans, des dizaines de milliers de victimes à ses portes et sur son territoire.
Ainsi, désireux de prendre le contrepied de ces politiques odieuses, nous inscrivons nos actions dans les revendications suivantes :
- régularisation de toutes les personnes sans-papiers en attendant une effective liberté de circulation dans l’égalité de droits pour toutes et tous ;
- arrêt des expulsions et suppression des centres fermés ;
- condamnations systématiques des violences racistes, patriarcales, policières et d’État.
Précédés d’actions durant l’année, la coordination propose pour les 21, 22 et 23 septembre 2018 :
- un temps de réflexion autour des questions liées à la migration et au racisme structurel, les politiques migratoires et les alternatives ;
- des rassemblements populaires, culturels, festifs et engagés ;
- des actions sur des lieux emblématiques de la politique d’expulsion, ainsi que des interventions artistiques et activistes dans l’espace public ;
- la transmission de l’histoire de Semira Adamu éditée sous différents formats et la revendication d’une rue dédiée à sa mémoire et à celles des migrant.e.s disparu.e.s.
Toute personne, collectif, association, réseau, institution, lieu culturel, etc. de Bruxelles, de Flandre et de Wallonie qui s’inscrit dans ces revendications et souhaite soutenir activement cette commémoration est la bienvenue au sein de la Coordination Semira Adamu 2018.
Nous encourageons chacune et chacun à développer sa propre communication à propos des différentes dimensions du combat de Semira et à prendre des initiatives militantes selon le consensus d’action assumé par la coordination Semira Adamu 2018.
Après septembre 2018, la coordination espère que les liens tissés persisteront pour assurer les droits de toutes les personnes en migration.
PROGRAMME DES COMMÉMORATIONS ICI